FANNY
PENTEL
CARNATION








CARNATION II, 7 photographies numériques couleur, 29.7 x 42 cm. Vitrine, vapeur d’eau, granit rose, impressions 3D résine - modélisation Joseph LEROY, Le Temps est Bon - socle 130 x 30 x 30 cm. Installation à dimensions variables, 2021.
Je ne sais pas d’où vient ma fascination pour cette pierre. C’est certainement parce qu’elle se transforme selon son milieu. Trouvée au bord de l’eau, humide, elle ressemblait à un morceau de viande. En la transportant, j’ai éprouvé son poids. Une fois à l’atelier je l’asperge parfois d’eau pour lui redonner sa carnation vive, vivante et j’attends quelle redevienne granit. Elle me rappelle la Bretagne.
Dans Carnation II, je voulais évoquer ce qui pèse sur le corps des femmes, le poids des normes, des représentations et des rôles à jouer. Cette pierre-viande c’est aussi le poids du patriarcat qui s’immisce violemment sur nos corps. Un dialogue s’installe avec cet élément naturel rappelant les rituels bretons qui amenaient les femmes souhaitant se marier ou avoir un enfant à s’érusser sur les menhirs.
Un rituel photographique s’est mis en place pour faire corps avec la pierre-viande, les recherches en volume en sont la continuité.







CARNATION III, photographies numériques, 80 x 120 cm, 2022.
Dialogue performatif avec la matière.


CARNATION I, photographie numérique, tirage baryté sur Dibond, 50 x 70 cm, 2018.
Exposition Couleurs en / jeux, Galerie Commune, Tourcoing.
Mon travail photographique est presque exclusivement en noir et blanc. Mes démarches en volume sont monochromatiques, le blanc y est exclusif. Cette apparence «absence» de couleur est très souvent liée à la volonté de s’éloigner du sujet représenté afin de plonger plus en profondeur dans l’image ou à se laisser happer par la matière. Les quelques irruptions de couleurs sont, soit toutes nuancées, telle la série mère-fille où un calque vient condenser une lumière naturellement bleutée, soit au contraire très appuyées lorsque je fais usage du négatif (série Souvenirs de balade ou Espace inquiétant.)
Le passage d’une image en couleur à une photographie en noir et blanc est pour moi un processus presque nécessaire afin d’effectuer ce décollement, cette mise à distance avec le sujet; le trait est alors plus présent.
Risquer la couleur, voilà ce qui guide mon nouveau projet. Comment l’usage de la couleur peut-il continuer ma démarche de mise en retrait du référent? Un élément s’est imposé il y a quelques mois lors d’une ballade en bord de mer, il m’a semblé voir un morceau de viande sanguinolent qui n’était autre qu’une pierre dont l’aspect mouillé accentuait la couleur rouge. De la viande à la pierre il n’y a qu’un pas, un temps de séchage et quelques photos successives suffissent à désincarner le sujet et à réinitialiser l’origine. La couleur est évidemment en jeu dans ces effets naturels et changeants. Ce rouge vif, brillant est déterminant dans l’ouverture sémantique entre la chose perçue et la chose en elle-même. J’ai pensé pousser plus loin ce rouge, revenir à l’origine de l’apparition de la couleur en photographie et isoler les constituants colorés de l’image, isoler le rouge du vert et du bleu afin d’ouvrir à nouveau le champ des représentations. Cette image-couleur, isolée des deux autres, rejoue l’illusion qui m’est apparue à la première vision et continue à transformer le sujet, le fige en ce qu’il n’est pas. Le rouge se charge ici d’un pouvoir de carnation.